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YU XIANG
d'autres choses

"tiens écossons les
souvenirs qui nous
talonnent
et aussi ces
déclamations noires
l’amour simple
nous allons vêtus
simplement,
usons de sentiments
simples
si simples qu’à la vue
de quelqu’un
nous l’aimons.

tiens, tombons
amoureux de
quelqu’un
ou d’un autre, tiens
emportons leurs
peines dans la rue "


QIU XIAOLONG
visa pour Shanghai

"Une fois de plus, Chen, inspecteur principal de la police criminelle de Shanghai, reprenait, dans la brume du petit matin, la direction du parc de Bund.
A l'extrémité nord, son entrée principale faisait face à l'Hôtel de la Paix, tandis que l'autre entrée débouchait sur le pont de Waibai, dont le nom, inchangé depuis l'époque coloniale, signifiait littéralement Pont-pour-que-les-Blancs-traversent. "

GAO XINGJIAN
Le livre d'un homme seul

"À présent, tu n’as pas de doctrine. Et un homme sans doctrine ressemble davantage à un homme. Un insecte ou un brin de paille n’ont pas de doctrine, toi tu es un être vivant qui n’est plus manipulé par aucune doctrine, tu préfères te dire un observateur qui vit en marge de la société, qui, bien qu’il ne puisse éviter d’avoir un point de vue, une opinion et ce que l’on nomme des penchants, n’a aucune doctrine – voilà où réside la différence entre le « tu » ici présent et le « il » que tu observes. "


GAO XINGJIAN
La Montagne de l'Âme

"J’ai toujours eu envie d’aller dans la forêt primitive, sans pouvoir dire pourquoi cela m’attire autant. "

" As-tu autre chose à dire ?

Tu lui parles de ces ruines envahies de roseaux et battues par les vents violents des sommets, des pierres brisées, couvertes de mousses et de lichens, du gecko qui rampe sur une dalle fendue. "

 

MO YAN
Le pays de l'alcool

"À bord d’un camion Libération, Ding Gou’er, inspecteur auprès du parquet suprême, roulait vers la mine de charbon de Luoshan, dans la banlieue, pour mener une enquête très spéciale. Tout au long de la route, il avait réfléchi si fort, à s’en faire enfler le crâne, que sa casquette couleur café, pourtant trop large – un cinquante-huit de tour de tête –, s’était mise à le serrer de manière insupportable. Contrarié, il l’arracha ; son rebord était imprégné de transpiration et elle exhalait une forte odeur de graisse. Une odeur inhabituelle. Un peu écœurante. Il se pressa la gorge de la main."


MO YAN
Le clan du sorgho rouge

"Les Japonais se sont repliés. La grosse lune à la lueur chétive, ronde comme un papier découpé, qui est apparue derrière les sorghos se ratatine puis darde ses rayons avec de plus en plus d’énergie au fur et à mesure qu’elle s’élève au-dessus de leurs faîtes. Eux qui ont tant vu et tant souffert se tiennent cois, respectueux dans sa lumière. Sur la terre noire tombent çà et là, larmes cristallines, quelques-uns de leurs grains ; au-dessus flotte le parfum, fétide et sucré, dense et épais, du sang qui la détrempe au sud du village. "

" La journée lui semble soudain avoir duré dix ans, ou un instant. Il revoit sa mère, en train de saluer leur départ au milieu de cette étonnante purée de pois à la sortie du village. L’image est toujours vivante à ses yeux, en dépit des heures qui l’en séparent. La marche était difficile au milieu des plants, il se ressouvient de Wang Wenyi et de son oreille touchée par une balle perdue, des cinquante et quelques membres de l’escouade en train de progresser, épars comme des crottes de mouton, sur la grand-route qui mène au pont ; et le poignard tranchant aux reins du Muet, son regard sinistre et brutal, les têtes des Japs en train de voler, les fesses desséchées du vieux… Sa mère sur la digue tel un phénix aux ailes déployées… Les galettes… Ces galettes qui se répandent sur le sol… Les sorghos rouges un à un couchés… Un à un qui tombent comme des héros…"


HYAM YARED
La Malédiction

Au commencement était la bonbonnière. II était interdit d'y toucher. Elle trônait au salon, remplie à ras bord. S'il manquait un seul bonbon, la mère nous réprimandait sans chercher à savoir lequel de nous était coupable. La culpabilité était une chose individuelle transmise à une collectivité. L'interdit aussi. « Vous allez tous devenir obèses », clamait-elle en mettant la bonbonnière sous clé. Après un temps, en général très court, la bonbonnière revenait sur la table basse, de manière à être vue et désirée. Il n'y avait aucun intérêt à interdire un objet invisible.
« Il faut vous éduquer à voir et ne pas toucher », disait-elle. Le mot « éduquer » comme s'il s'agissait d'un dressage de bêtes. Le problème des adultes, c'est leur tentative de domestiquer l'enfance.


HYAM SCHOUCAIR YARED
Naître si mourir

J'ai pour moelle épinière
une sève d'humain. Et ce n'est pas fini

LIDIA YUKNAVITCH
La mécanique des fluides

"Super. J'étais donc plantée là comme une imbécile et dans l'obligation de m'expliquer. Il y avait comme une bande de téléscripteur dans mon crâne qui disait: c'estkenkeseyc'estkenkesey. Les livres que mon père m'avait donnés. Assise dans un cinéma sombre avec mon père en train de regarder les films. Paul Newman dans Le Clan des irréductibles. Vol au-dessus d'un nid de coucou.
Kesey, qui était à l'autre bout de la pièce, rapatria son tonneau de corps, tira une chaise pour moi et dit : « Eh bien BONJOUR. Qu'avons-nous là? De la nénette triple A.» C'était la première fois que je le voyais autrement qu'en photo ou à un événement littéraire dans l'Oregon. Plus il s'approchait, plus j'avais la nausée. Mais quand il arriva à ma hauteur, dans ses épaules et sa poitrine je vis l'ex-lutteur. Son visage était rond comme un ballon, ses joues nettement veinées et enflammées, gonflées par l'alcool. Ses cheveux ressemblaient à du coton collé à des endroits bizarres sur une tête. Son sourire : épique. Ses yeux : bleu transparent. Comme les miens."

AZIZ ZAÂMOUNE
La page Aziz Zaâmoune sur Lieux-dits

EVGUENI ZAMIATINE

EVGUENI ZAMIATINE
L'inondation

Tout autour de l'île Vassilievski, en une vaste mer, s'étendait le monde : là-bas il y avait eu la guerre, puis la révolution. Mais dans la chaufferie, chez Trofim Ivanytch, la chaudière faisait toujours entendre le même grondement, le manomètre indiquait toujours neuf atmosphères. Seul le charbon avait changé : avant il y avait du Cardiff, à présent c'était du Donetsk. Le Donetsk s'effritait, la poussière noire envahissait tout, impossible de s'en défaire. Et l'on eût dit que cette même poussière noire avait imperceptiblement tout recouvert dans la maison aussi. Apparemment rien n'avait changé. Ils continuaient à vivre tous les deux, sans enfants.


EVGUENI ZAMIATINE
La caverne
Le récit le plus important

A travers les millions de verstes des glaces aériennes, tourbillonnant, toujours plus frénétique, l'étoile file et siffle afin de consumer, d'embraser, toujours plus proche. Et là, les trois derniers êtres. Eclairés d'une lumière nouvelle, rouge et ultime, ils boivent avidement sans plus compter, l'air qui reste, s'enivrent, respirent comme, sur cette étoile, les hommes respiraient il y a bien longtemps, des milliers de cycles auparavant ! Oh une fois dans la vie, sans penser, sans compter avec le corps, la bouche et la poitrine !
L'homme et la femme sont étroitement enlacés : en deux, ils ne sont qu'un. Et la plus âgée, la Mère, est au-dessus d'eux, au-dessus de tout. Sur l'incendie rougeoyant du ciel se grave son profil, sourcils et lèvres serrés, fortement, elle est marmoréenne comme la destinée, ses épaules sont légèrement ployées sous quelque fardeau, dressée, elle attend. Et voici que sous les pieds émerge comme un corps vivant, s'ouvrent des crevasses baignées de rouge dans les murs millénaires, tintent les éclaboussures du verre.
Le silence. Dans les déserts, les ombres acérées et crénelées des rocs renversés. Allumés d'étincelles écarlates les blocs glacés de verre et au-dessous d'eux — comme à travers la glace, au fond, les amas sombres des machines, des livres et trois cadavres gelés instantanément, serrés l'un contre l'autre.


EVGUENI ZAMIATINE
Au diable vauvert

Il y a en chaque homme un trait qui, au premier coup d'œil, le distingue de mille autres. Chez Andreï Ivanytch, c'était un front large et vaste comme la steppe. A côté, il y avait un nez - une trompette typiquement russe -, une petite moustache filasse, des épaulettes de l'infanterie. C'est le Bon Dieu qui l'avait créé. Un coup sec : et voilà le front! Puis il avait bâillé, pris d'ennui en quelque sorte, et cahin-caha, par-dessous la jambe, il avait expédié son œuvre : ça irait comme ça.
C'est ainsi qu'Andreï Ivanytch entra dans la vie sur une divine désinvolture.

 


ANDREA ZANZOTTO

ANDREA ZANZOTTO
Phosphènes

Amours impossibles comme
sont effectivement impossibles les collines
Il n'est pas possible que tant d'amour
soit en elles ouvertement
donné
et dans le même temps dissimulé, et d'ailleurs rendu inaccessible

Incessante série d'inaccessibilités
qui joue cependant comme tapis
captivant, évoluant sur la
plus grande brèche démence désuétude
Collines riches de mille dangers de mort
pour en toute quiétude
pour hasardeux secourir parmi des ciélitudes
pour insuffisance d'attention à soi -
de fortune en fortune
« il entravera » « il se défilera »



ANDREA ZANZOTTO
La Beauté

...je me souviens,
je me souviens de tout : c'est quelque chose qu'un jour j'ai su
de manière définitive, si tendue
que dans son seul reflet
je puis nous me moquer de toute autre définition.
Spasmes et fantasmes, croire et ne pas croire;
dieux, mondes et âmes : cibles manquées. Mais il exista
ce matin total, et j'en ruisselle
de plasma d'ambroisie, j'en continue.


ANDREA ZANZOTTO
Idiome

...depuis si longtemps on ne voyait
de telles quiétudes, merveilles ensommeillées
comme le silence reposé
de cette nuit, le grand froid a cessé
et les étoiles nageaient
dans un pré presque tiède,...


ANDREA ZANZOTTO
les pâques

"...Repliement dans des abîmes de régression
hermétique cagette tabernacle
coup d'oeil trompe l'oeil
casupola casipola
qui ondule oscille au plus haut des collines ailées... "

"Car chacun infiniment

nous a nourri nous a sevré

à la lueur de ce nous tous

et du rien"


ANDREA ZANZOTTO
Au-delà de la brûlante chaleur

"Sédimentée dans la mémoire, elle durait autant qu'une réverbération de clarté et d'ombres réglées dans l'intimité par un contrôle qui n'était jamais contrainte ; elle n'avait rien à faire avec l'angoisse, mais seulement avec un doute qui, ténu, ne blessait pas."


ANDREA ZANZOTTO
Météo

"Et tout se réenchevêtre
et se retisse dans ses piètres, dans ses aigres ressources;
des corrosions assistent,
des dissipations insufflent,
trahisons et trash
tremblent en dents crues
Mais l'idée la plus indulgente, la passion
la plus avare et sourde
croît maintenent, croît en horde
pour se donner comme EXTRALUCIDE"


ABDALLAH ZRIKA
La page Abdallah Zrika sur Lieux-dits

DAVID ZUKERMAN
San Perdido

"Bientôt, les touristes enfouissent leur nez dans leur mouchoir et plissent les yeux de dégoût. Devant eux, s’étend la décharge publique qui coupe San Perdido en deux, comme une plaie humide et purulente. On dit que les pauvres l’ont placée là pour ne pas sentir la mauvaise odeur des riches qui vivent au-dessus d’eux. C’est ici que Kwinton passa une partie de sa vie, avec la Ghanéenne qui surveillait la décharge, classant les ordures, veillant à ce que les enfants affamés fouillent chacun leur tour parmi les fruits pourris et les viandes déjà vertes, leur interdisant d’éventrer les sacs de l’hôpital San Liguori à la recherche de médicaments périmés, de flacons d’éther ou de seringues usagées. "